Deux Duras sinon, rien.
Les petits chevaux de Tarquinia
Jacques, Sara et leur enfant, passent des vacances dans une villa en Italie au bord de la mer. Ils sont amis avec Ludi et Gina qui habitent les lieux et sont également en compagnie de Diana, écrivain de son métier et célibataire. Leur tranquillité est interrompue par la mort d’un jeune démineur, tombé sur une mine justement, tué sur le coup, dans la montagne avoisinante. Apparaît également un inconnu sur son hors-bord fascinant les estivants locaux. Tous s’ennuient et souffrent d’une chaleur accablante.
C’est l’attente de la pluie qui ne vient pas, des douaniers dans la montagne, de la signature d’une déclaration de décès que la mère du défunt refuse de signer. Le temps est suspendu.
Les conversations entre amis, entre couples, s’entrechoquent : ils se provoquent, se titillent, se questionnent aussi. L’été est souvent une période de bilans et de tensions.
Mon avis :
Quand on me parle de mer, de chaleur, d’ennui : oui, ça ressemble aux vacances comme j’en ai déjà connu et quelque part j’aime ça. En ces temps de grand froid, j’ai aimé imaginer les personnages souffrant de cette chaleur. J’ai ressenti une tension régulière entre eux : la bonne et le petit garçon, le petit garçon et sa mère, les tensions entre couples. Néanmoins, tout cela reste léger, diffus. Même le personnage de l’étranger qui débarque d’on ne sais où et semble par certains aspects inquiétants, finira par faire pschitt.
Je me suis presque un peu identifiée à la petite vieille qui semble paumée parmi les conversations des uns et des autres en ne se sentant qu’à moitié concernée. Un roman sur l’ennui.
Lecture dans le cadre du club.
Extraits :
& La mer faisait rire. Elle était si chaude qu’on aurait pu y rester facilement deux heures. Elle n’avait rien à voir, cette mer-là, avec aucune autre mer au monde. C’était la revanche de ceux qui aimaient cet endroit, de Jacques et de Ludi. Cette mer irréprochable.
& - Vous voyez, dit Gina en montrant Ludi, qu’on est tous des cons.
- Ainsi, ajouta Diana, Ludi ici présent, il est aussi con que l’épicier. Mais il faut être con comme Ludi. Ludi a une qualité de connerie si rare qu’il faudrait aller loin pour en trouver une autre pareille.
Tous se mirent à rire. Y compris Ludi et l’homme.
& - Tu sais ce que je pense ? Dit-il. Que c’est les gens qui ont le plus peur de tout qui en même temps pourraient faire les choses les plus risquées. Peut-être même les choses que les autres n’oseraient pas faire.
- Mais c’est la même chose que la peur, dit Sara.
- Peut-être. C’est la peur qui donne le courage de risquer.
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Moderato Cantabile
Un petit garçon se fait littéralement engueuler par Mademoiselle Giraud, professeure de piano, parce qu’il ne se rappelle pas la signification de l’expression moderato cantabile. La mère qui assiste à la scène préfère en rire et plaindre son petit homme. Malgré cela, il semble primordial qu’il apprenne le piano.
La mère n’est autre que la femme du patron de l’usine de fonderie de la ville. Elle s’ennuie profondément. Lorsque pendant ce fameux cours un crime est commis dans le café juste en bas de l’immeuble, Anne Desbaresdes va, attirée comme un aimant, s’y rendre tous les jours pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé entre cet homme et cette femme.
En emmenant son garçon, elle y retrouve à chaque fois le même homme à qui elle demande de lui expliquer la raison du meurtre. Lui fait ce qu’il peut pour trouver une histoire plausible tout en tentant de percer le mystère de cette femme dont il tombe amoureux.
Ce que j’en ai pensé : C’est presque pour moi une histoire sur l’absurde, avec pour commencer la scène pas très agréable de la leçon de piano. Le meurtre d’un homme qui tue sa femme parce qu’elle le lui demande. Les personnages ne sont pas clairs et sont malheureux. L’héroïne semble complètement paumée : je ne sais pas si elle est veuve, si elle se cherche un amant ou si elle essaye justement avec la rencontre quotidienne de cet inconnu de comprendre ce qu’il lui arrive au travers de cet étrange crime. Elle semble morte et la seule personne qui donne un sens à son existence est son petit garçon.
Pour cette seconde lecture d’un roman de Duras je retrouve ce petit personnage en me disant que l’auteure devait, peut-être, être en manque d’enfant. C’est aussi l’histoire d’un homme et d’une femme qui semblent attirés l’un par l’autre mais que tout oppose : l’amour entre eux ne naîtra pas. Et cette femme en souffre très certainement puisqu'elle est très seule.
La mer tient également une place importante, comme un témoin de l'errance de ses protagonistes. Cette fois, je dirai que c’est un livre sur le mystère…
Extraits :
& - J’ai essayé de savoir davantage. Je ne sais rien.
Anne Desbaresdes s’exténua encore une fois à se ressouvenir.
- C’était un cri très long, très haut, qui s’est arrêté net alors qu’il était au plus fort de lui-même dit-elle.
& L’enfant à la tendresse de cette voix-là, ne résistait pas encore. Sans répondre, il souleva une fois de plus ses mains, les posa sur le clavier à l’endroit précis où il fallait qu’il le fît. Une, puis deux gammes en sol majeur s’élevèrent dans l’amour de la mère.
& - On ne peut pas éviter les heures fixes, comment faire autrement ? Je pourrais vous dire que je suis déjà en retard sur l’heure du dîner si je compte tout le chemin que j’ai à faire. Et aussi, j’oubliais, que ce soir il y a une réception à laquelle je suis tenue d’être présente.
- Vous savez que vous ne pourrez faire autrement que j’y arriver en retard, vous le savez ?
- Je ne pourrais pas faire autrement. Je sais.
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